Le Figaro 05 mai 1925
Critique littéraire de M. Henri de Régnier de l’Académie Française, dans le journal Le Figaro.
Le critique appuie sur la motivation de Rouquette d’avoir réalisé cette longue et périlleuse traversée de l’Islande. C’est sa curiosité et M. de Régnier étale nombre de clichés, puisés que les images que l’auteur a fait ressortir dans son texte. Alors que Rouquette se détache des autres récits de voyages, en vogue dans cette période, lui qui a tant vécu d’aventures, en introduisant dans son récit une vision personnelle voire sur sa personne. La présence de son compagnon de route, Einar, est encore exprimée car il est un élément essentiel de ce voyage à deux.
» Ce sont aussi des « images « que M. Louis-Frédéric Rouquette nous a rapportées des spectacles qu’a contemplés sa « vie errante ». Elles ont formé les âpres et beaux livres qui ont pour titres le Grand Silence blanc et les Oiseaux de tempête et qui nous disent les solitudes polaires de l’Alaska et les espaces des mers australes. Ces spectacles, ces images, M. Louis-Frédéric Rouquette excelle à les noter d’une façon directe, forte, en leur vérité. Son style a les qualités qui conviennent à cet effet. Il est expressif et naturel, de sobre et robuste vocabulaire, un style d’homme d’action. M. Rouquette a, du vrai voyageur, la curiosité qui l’attire vers les pays inconnus et l’obstination nécessaire à satisfaire cette curiosité, même au prix des plus extrêmes fatigues et des plus réels dangers. Ce fut donc sa curiosité qui conduisit M. Rouquette en Islande et son obstination qui lui permit d’accomplir l’exploit qu’il nous conte dans son Ile d’Enfer, avec simplicité et bonne humeur, car c’est un exploit, un exploit de hardiesse, d’endurance et de volonté que de traverser l’Islande dans sa largeur, de Seydesfjord à Reykjavik, et cet exploit, M. Rouquette l’accomplira, avec son guide Einar Jonson, parce que c’est un bon exercice d’âme et de corps que d’affronter le danger et de faire jouer les ressorts de son énergie.
A ce point de vue, M. Rouquette dut être pleinement satisfait durant sa traversée de l’Islande, marches épuisantes, ascensions de falaises à pic, torrents franchis à la nage, passages vertigineux, rien ne manque à ce que M. Rouquette appelle sa « montée au calvaire ». Parfois un vague regret-lui traverse l’esprit. A quoi bon tant de souffrances et de dangers ? Mais M. Rouquette est de la vraie race des voyageurs que le péril enivre et que stimule l’obstacle. Et puis, parfois, durant l’âpre route, il y a des moments de détente et de bien-être.
L’Islandais est hospitalier et M. Rouquette s’en aperçoit à la façon dont il est reçu par les rares habitants de ces tristes parages. Partout la porte s’ouvre au voyageur le feu l’accueille, le café le réchauffe et comme l’on dort bien, après ces dures journées de lutte contre les pièges de la nature, de la nature maudite aux tragiques et mornes beautés de cette « Ile d’Enfer » ! Folle randonnée, abominable étapes, mais aussi quelle joie lorsqu’un soir, au col de Svinaskar, on arrête son cheval et que l’on découvre dans le lointain le promontoire de Reykjavik ! Qu’importent les heures détestables ! La longue et périlleuse traversée de l’Islande, de l’est à l’ouest, est accomplie. Elle nous vaut un beau livre. Remercions-en M. Louis-Frédéric Rouquette, le poète intrépide des « Romande ma vie errante ». »
Source gallica.BnF.fr