Prologue
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« L’Île d’Enfer » est un roman d’aventure vécue qui se déroule en Islande en 1922.
Ma rencontre avec ce texte n’est pas fortuite car j’ai habité et travaillé régulièrement dans ce pays.
En 1985, j’ai été contacté par Alain Riols, qui était directeur du service culturel du Conseil Général de l’Hérault (ex. ODAC), suite à un article de presse dans lequel je parlais de l’Islande. Depuis 1976, année de ma découverte de cette île, lointaine à l’époque, j’avais eu l’occasion d’y revenir pour travailler et créer de solides amitiés.
Dans cette période des années 80, d’expositions photographiques en rencontres avec les médias, l’Islande était devenue mon jardin. En 1985 c’est aussi là que débute en plus de mon travail de photographe, mon activité estivale dans ce pays en tant que guide et intervenant photographe.
Aussi, quand Alain me présenta le roman « L’Ile d’Enfer » de Louis Frédéric Rouquette, je m’immergeai complètement dans ce récit.
Louis Frédéric Rouquette, décrit son aventure, c’est à dire un séjour à Seyðisfjörður avec les pêcheurs d’Islande puis sa traversée d’Est en Ouest, avec une grande part de poésie et dans laquelle je ressens parfaitement son émotion dans ces paysages inoubliables.
Hasard de la vie… J’ai moi aussi vécu une année complète à Seyðisfjörður, quelque soixante ans plus tard. Cette petite ville a gardé une grande partie de ses anciennes maisons, les mêmes que l’auteur décrit, dont la jolie petite église qui a juste changé de place.
J’étais déjà dans les traces de Rouquette, il ne me restait plus qu’à suivre sa piste.
Et c’est ce que j’ai fait.
L’Islande est un pays en pleine expansion sociale et matérielle. En 1922, année de l’aventure du roman, le pays sort à peine de longues périodes difficiles. L’autorité danoise lâche peu à peu son étreinte et l’identité islandaise se fortifie. Hormis Reykjavik, la capitale, et quelques gros bourgs qui deviendront de vraies villes, le reste du pays est essentiellement campagnard voire sauvage. L’aménagement du territoire est balbutiant, les gens vivent pour la plupart dans des maisons traditionnelles en terre gazonnée.
Isolement et adaptation contrainte sont encore d’actualité.
Le plus gros changement dans ce demi-siècle est l’abandon des maisons traditionnelles. Louis Frédéric se plaint de la carte qu’il utilise, où les lieux sont indiqués comme de véritables villes, là où il n’y a parfois qu’une maison ou deux. Le plus bel exemple est Egilsstaðir. « Un cube de béton », dit il, alors qu’il s’attendait à une ville. Une maison en béton, qui préfigure le changement. C’est aujourd’hui une ville majeure de la région Est, au carrefour de routes qui mènent dans les culs de sac de différents fjords.
J’ai quand même retrouvé le « cube de béton », la ferme d’origine. Il y avait là un vieux fermier qui dans sa jeunesse avait vu passer le « frankman »*, comme l’écrit Rouquette. Moment magique, passerelle temporelle, un lien entre deux français qui se succèdent à 64 ans d’intervalle et ce fermier islandais, d’abord gamin puis vieil homme qui les a vu tous les deux.
Les paysages ont peu changés. Des routes les sillonnent, parcourues de nombreuses voitures, qui circulent sans difficultés et passent sur les rivières sans que les passagers s’en rendent compte. Mais voilà que l’hiver arrive et le temps fait un bon en arrière, la tempête bloque les voitures et les pendules marquent…1922, il est toujours aussi difficile de courir la lande.
L’auteur a traversé des rivières glaciales, agrippé a son cheval. Moi, je n’ai fait que les traverser à gué. J’ai éprouvé le mordant du froid sur les doigts de pied et senti la douleur intense qui vous mord quand on butte sur les galets. La douleur du froid reste constante, elle traverse les siècles.
La restitution de mes recherches et sensations éprouvées sur les traces de Louis Frédéric Rouquette avait été concrétisée par une grande exposition photographique à Montpellier en 1986, inaugurée par Madame le Président de la république d’Islande: Vigdís Finnbogadóttir.
Trente ans après et après avoir parcouru des dizaines de fois son trajet mémorable, je me devais de partager toute cette matière culturelle et patrimoniale.
Le texte a été traduit par un grand écrivain et poète islandais, Jón Óskar. Une traduction difficile de son aveu car la description et le texte font une grande part à l’imaginaire et la poésie. Quoi de plus difficile que de traduire le ressenti. Que les lecteurs islandais y retrouvent la qualité d’origine, Rouquette est parfois impertinent avec les personnes mais toujours avec beaucoup de bienveillance.
Je repars aujourd’hui dans ce texte en compagnie de l’auteur en voulant vous emporter avec nous. Soyons nombreux à parcourir cette Islande avec l’écrivain aventurier. Il y a presque cent ans cet homme était guidé par Einar, un islandais authentique, et plus que dans les pas de Rouquette je me retrouve à la place de ce guide car c’est aujourd’hui mon métier. .
Je vais vous guider dans une expédition qui va aller au delà de la découverte de ce pays par cet Occitan voyageur. Nous allons parcourir ces paysages pauvrement habités, retrouver le vécu de l’auteur et partager l’émotion qu’avait provoqué et provoque encore cette terre lointaine hors du commun.
Embarquons.
Martial ACQUARONE, Sainte Croix de Quintillargues. Hérault. France. 2018
*Traduit en islandais par “fransmanninn”.
Lien pour aller directement au texte: L’Île d’Enfer
Remerciements à: Alain Riols, Ólafur Jónsson, Elva Maria Káradóttir, Benni Valsson, Martine Cazalès, Herveline Vinchon et un spécial à Lovísa Hlynsdóttir qui a saisi tout le texte en islandais.
« L’Ile d’Enfer » (Hell’s Island) is an adventure novel that takes place in Iceland. My encounter with this text is not fortuitous as I have lived and worked regularly in this country over the last four decades.
In 1985, I was contacted by Alain Riols, who was director of the cultural department of the Hérault General Council (formerly ODAC), following an article in which I spoke about Iceland. Since 1976, year of my discovery of this island, a distant place at the time, I had the opportunity to create strong friendships.
During the 80s, through photographic exhibitions and work with the media, Iceland had become my backyard. In 1985, I also began to work as a guide and photographer during the summer months.
So when Alain introduced Louis Frédéric Rouquette’s novel « L’Ile d’Enfer », I immersed myself completely in his story.
Louis Frédéric Rouquette, describes his adventure, spent in Seyðisfjörður with with Icelandic fishermen. Through his poetic description of his crossing East to West, I could feel his deep emotions moved by these unforgettable landscapes .
Coincidently … I also lived a full year in Seyðisfjörður, some sixty years later. This small town has kept much of its old houses, the same described by the author, including the pretty little church who just changed places.
I was already in the footsteps of Rouquette, I only had to follow his trail.
And that’s what I did.
Iceland is a country in full social and material expansion. In 1922, year of the adventure of the novel, the country left behind long difficult times. The Danish authority is gradually loosening its grip and the Icelandic identity is strengthening. Apart from Reykjavik, the capital, and some towns that will become real cities, the rest of the country is mostly wild. Spatial planning is stagnant, most people live in traditional turf houses.
Isolation and adaptation are still relevant.
The biggest change in the last half-century is the abandonment of traditional homes. Louis Frederic whinged at the map he used, where places indicated as real cities, only featured one or two houses. The best example is Egilsstaðir, with only a « A concrete cube, » he said, as he expected a city. A concrete house that prefigured changes. It is now a major city in the Eastern region, at the crossroads of roads leading into the “cul de sacs” of different fjords.
I still found the « concrete cube », the original farm. There was an old farmer who, in his youth, had seen the « Frankman, » * as Rouquette wrote. Magical moment, a time gateway, a link between two French people who followed each other 64 years apart; and this Icelandic farmer, originally a kid and then an old man who saw them both.
The landscapes remain the same. Today, roads crisscrossed vast territories. These are traveled by several cars; they often circulate without difficulties and pass rivers without the passengers even realizing it. But now winter is coming and the weather is taking a turn for the worst, storms are blocking cars and we are taken back to … 1922, it is still difficult to navigate in the moor.
The author crossed icy rivers, clutching his horse. On my side, I only waded through them. I felt the cold on my toes and felt the intense pain that bites you when you hit the pebbles. The pain of the cold remains constant, it crosses centuries.
The restitution of my research and sensations experienced in the footsteps of Louis Frédéric Rouquette was concretized by a photographic exhibition in Montpellier in 1986, inaugurated by the President of the Republic of Iceland: Vigdís Finnbogadóttir.
Thirty years later, after having covered his memorable journey dozens of times, I had to share this cultural and heritage material.
The text has been translated by a great Icelandic writer and poet, Jón Óskar. According to Jon, it was a difficult translation. The text rely heavily on the imaginary and poetry. What is more difficult than translating feelings? Icelandic readers can find the original quality, Rouquette is sometimes impertinent with people, but always with great kindness.
I want to take you with me to rediscover the author’s text. Let’s be many to travel this Iceland with this adventurer writer. Almost a hundred years ago, this man was guided by Einar, an authentic Icelandic. Today, I find myself in the place of this guide.
I will guide you in an expedition that will go beyond the discovery of this country by this Occitan traveler. We will travel through poorly inhabited landscapes, retrace the author’s experience and share the emotion that this uncommon far-off land had provoked and continues to provoke.
Martial ACQUARONE, Sainte Croix de Quintillargues. Hérault. France. 2018
Link to go directly to the text « Vítiseyjan »: the novel
Contact: altimara@altimara.eu