Le DOMAINE 1925

Article dans la Revue Littéraire Artistique et Théâtrale de l’Enregistrement et du Notariat.

Rouquette est présenté comme l’anti écrivain de salons parisiens. Un routard avant l’heure, le père spirituel de Sylvain Tesson ?

 » M. Louis-Frédéric Rouquette est un grand voyageur, mais un voyageur d’une espèce singulière. Il ne voyage en effet ni pour s’instruire, ni pour s’enrichir, ni pour se distraire. Il ne cherche pas les grandes aventures, les observations pittoresques ou dramatiques. Il ne voyage pas pour trouver, mais pour éviter. Le voici quelque part, vers le cercle arctique, dans les régions les plus déshéritées du globe. Ecoutez avec quelle sombre exaltation il se réconforte : « Quelle étoile me guide ? Vers quelle adoration nouvelle ? « Sur les plages de la Manche ou de l’Océan, les bons petits camarades, écrivains en chambre de romans compliqués, font des effets de smoking, bombent le torse ou inclinent l’échiné, manoeuvres d’assouplissement indispensables à la conquête des prix littéraires. « Les intrigues se nouent à l’ombre des casinos en carton pâte qui déshonorent la virginité de la mer… « Non, non, non ! « La neige purifie ; le froid qui pénètre ma chair rend mon âme meilleure… » (1).
Il fuit nos sociétés civilisées à la poursuite de la solitude. Nouvel enfant du siècle, pareil à cet Alain Gerbault qui traverse, seul sur son sloop, les Océans. Il aime seulement les natures frustes et rudes, les aventureux garçons qui vivent en marge des lois, là-bas, sous le cercle polaire, dans l’Alaska ou le Nord-Ouest Canadien.
Ce contemporain est un romantique, un frère attardé de Chateaubriand, ou de ce Sénancour qui écrivit Aldomen ou le Bonheur dans V Obscurité. Aussi ulcéré, mais plus viril, plus indocile aux impulsions du sentiment.
L’Ile d’Enfer, où Rouquette nous conduit, c’est l’Islande, terre de basalte et de glaciers, où les volcans flambent dans la neige, où l’arbre ne peut pousser sur le sol hostile, et que parcourent seuls, pendant les mois d’été, quelques intrépides, montés sur les petits poneys de l’île. Point d’aventures, sauf la lutte quotidienne
contre la nature ennemie, le froid, l’ouragan, le roc et les fleuves sans gué. Mais le pathétique qui se dégage de l’effort intrépide chante avec un lyrisme tourmenté.

[1) Louis-Frédéric Rouquette. L’Ile d’Enfer, Ferenczi et fils, éd. « 

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